Fabrice Retailleau Copywriter
Christophe, 25 ans, voulait travailler dans la publicité. Il y est parvenu au tarif Assedic.

«J'ai terminé mes études de concepteur-rédacteur de publicité l'été dernier. J'ai d'abord fait un boulot alimentaire avant de trouver un emploi dans mon domaine. Enfin, d'emploi, il n'en a pas vraiment été question. En janvier, une agence de publicité m'a appelé à la suite de ma candidature spontanée. Mon profil, mon esprit les intéressaient. Ils m'ont proposé un contrat en partenariat avec l'ANPE. C'était simple, je continuais à percevoir mes indemnités Assedic de 840 euros, l'entreprise se chargeait de la rallonge pour parvenir au salaire sur lequel nous nous étions entendus. Cette opération financière philanthropique ne s'arrêtait pas là, puisque l'entreprise se faisait aussi rembourser par l'ANPE. Ça ne leur coûtait donc rien de m'embaucher. La période d'essai était de quinze jours, j'ai accepté.

«J'ai commencé le lendemain, ils m'ont fait comprendre que c'était urgent. Mon contrat devait se faire dans la foulée, pas de temps à perdre avec les tracasseries administratives. Au bout de quatre jours, je commence à m'inquiéter. Réponse vague : vu la difficulté du contrat, ils renonceraient à le rédiger. "On continue et tu touches toujours tes Assedic", me répond-on. La bonne combine pour m'essayer gratuitement. Je perçois toujours 840 euros d'allocations chômage. Et eux, l'argent de l'ANPE dont je ne vois pas la couleur.

«Au terme des quinze jours, on rallonge ma période d'essai de quinze jours. Je ne sais pas si j'étais con ou naïf, mais j'accepte. J'espérais vraiment, cette agence était ma seule piste. Au bout de trois semaines, une stagiaire est embauchée comme directrice artistique. Je comprends alors que le vent tourne. On me donne moins de travail, on remet en cause la moindre chose que je peux faire. Finalement, je suis convoqué par mes deux responsables. "On ne va pas faire durer le suspense, il y a beaucoup de choses qui ne vont pas, et ce n'est pas en ayant trois ou quatre bons projets qu'on peut dire que ça marche", me disent-ils. C'est en partie vrai, je suis débutant, mais cela ne leur faisait pas peur jusque-là. Alors que les clients avaient validé tous mes dossiers, j'étais soudain devenu incompétent. On me dit de ne pas revenir le lendemain.

«J'ai été viré sans avoir jamais rien signé. Officiellement, je n'ai jamais travaillé pour eux. Avec une absence de contrat alors qu'un travail avait bien été effectué, je peux être requalifié en CDI : mon affaire doit passer aux prud'hommes en mai. Mais, dans une équipe de douze personnes, la réintégration risque d'être délicate. Le plus drôle dans l'affaire est que, durant mon mois de travail, j'ai réalisé un spot sur les contrats aidés pour les entreprises. Alors que je n'avais pas de contrat, mais que l'entreprise était super aidée.»

Source : liberation.fr
Fabrice Retailleau Copywriter
Octave, riche concepteur-rédacteur de 33 ans, se rebelle et s'insurge contre l'univers superfétatoire de la publicité qui brasse des millions d'euros en vendant des produits inutiles à de pauvres ménagères.

Le rédacteur publicitaire détient le pouvoir absolu des mots et des formules lapidaires. Il suscite l'envie, influence votre inconscient et décide à votre place ce qu'il vous semblera indispensable d'acheter. À la recherche d'une pureté perdue, Octave écrit son livre pour détruire la publicité et se faire licencier.

Mise en abîme de l'acte d'écrire, 99 francs est une avancée narrative qui progresse au rythme de ses réflexions ironiques, de son existence régentée par l'argent, le sexe et la cocaïne. "Tout s'achète : l'amour, l'art, la planète Terre, vous, moi." Ce roman est une sorte de diatribe, de confession enragée scandée par des scénarios publicitaires qui interrompent savamment le récit, non sans dérision. Octave, lucide et critique à l'égard de ce système mercantile n'en est pas moins le jouet et le restera jusqu'au bout.

L'histoire

Octave est le maître du monde. Octave exerce en effet la profession lucrative de rédacteur publicitaire : il décide aujourd'hui ce que vous allez vouloir demain. Octave est un mort-vivant, couvert d'argent, de filles et de cocaïne. Un jour, il se rebelle. Le doué Octave déjante. La cliente idéale ? " Une mongolienne de moins de cinquante ans. " Les nababs de la publicité ? " Ils mènent la troisième guerre mondiale. " De l'île de la Jatte où négocient les patrons d'agence à Miami où l'on tourne un spot sous amphétamines, d'un séminaire en Afrique à Saint-Germain-des-Prés, de l'enfer du sexe à la pureté perdue, Frédéric Beigbeder, entre fiction et pamphlet, écrit la confession d'un enfant du millénaire. En riant, il dénonce le mercantilisme universel. En quelque sorte, un livre moral. Pour 99 francs, seulement.

L'auteur

Frédéric Beigbeder "surfeur de l'air du temps" (Carle Coppens). Un roman-pamphlet-journal qui écorche le monde de la publicité. Par un romancier et publicitaire de renom, plein de verve, porté à la provocation, et dont le désabusement est, le plus souvent, teinté d'humour vache.

Extraits

« Je me prénomme Octave et m'habille chez APC. Je suis publicitaire : eh oui, je pollue l'univers. Je suis le type qui vous vend de la merde. Qui vous fait rêver de ces choses que vous n'aurez jamais. Ciel toujours bleu, nanas jamais moches, un bonheur parfait, retouché sur Photoshop. Images léchées, musiques dans le vent. Quand, à force d'économies, vous réussirez à vous payer la bagnole de vos rêves, celle que j'ai shootée dans ma dernière campagne, je l'aurai déjà démodée. J'ai trois vogues d'avance, et m'arrange toujours pour que vous soyez frustré. Le Glamour, c'est le pays où l'on n'arrive jamais. Je vous drogue à la nouveauté, et l'avantage avec la nouveauté, c'est qu'elle ne reste jamais neuve. Il y a toujours une nouvelle nouveauté pour faire vieillir la précédente. Vous faire baver, tel est mon sacerdoce. Dans ma profession, personne ne souhaite votre bonheur, parce que les gens heureux ne consomment pas. »

« Le séminaire de motivation commence par une utopie collectiviste: soudain nous sommes tous égaux, les esclaves tutoient les patrons, place à l'orgie sociale. Du moins le premier soir. Parce que, dès le lendemain matin, les clans se reforment, on ne se mélange plus sauf la nuit, dans les couloirs où s'échangent les clés de chambre: le vaudeville devient alors la seule utopie. Il y a une juriste ivre morte qui pisse accroupie dans le jardin; une secrétaire qui déjeune seule parce que personne ne veut lui parler; une directrice artistique sous calmants qui casse la gueule à tout le monde dès qu'elle a bu un verre de trop (...). La vie dans l'Entreprise reproduit la cruauté de l'école, en plus violent car personne ne vous protège. Vannes inadmissibles, agressions injustes, harcèlement sexuel et guéguerres de pouvoir: tout est permis comme dans vos plus affreux souvenirs de cour de récréation. »